Fracture de l’Ulna proximal, transverse, articulaire : Gestion chirurgicale et complications :
Dans notre série de Cas d’orthopédie, nous vous présentons la gestion d’une Fracture simple du Coude chez un jeune Chat.
C’est un chat vivant en appartement, la fracture s’est produite a priori après un saut du haut d’un meuble. L’animal est présenté pour une boiterie du membre antérieur gauche, sans appui, avec une forte douleur à la manipulation du coude.
Un examen radiographique est réalisé sous légère sédation et après administration d’antalgique.


Le coude est une articulation complexe s’appuyant sur 3 os différents : L’extrémité distale de l’Humérus, avec le condyle huméral. Dans les chocs et fractures du coude, il est important de bien inspecter et contrôler les Condyles, et de vérifier qu’un trait de fracture n’existe pas à cet endroit. On contrôle cela sur une radiographie de face, si nécessaire on complète par un cliché en position oblique. L’avant bras est constitué de 2 os : le radius et l’ulna ( ou cubitus ). Ces 2 os s’articulent avec le condyle huméral, l’ulna a une forte échancrure pour accueillir la zone inter-condylienne, il forme aussi la pointe du coude.
Dans notre cas, la Fracture – bien visible sur la radiographie de profil – est localisée sur l’Ulna, au niveau de l’articulation, dans la zone de l’échancrure sigmoïdienne. La Pointe du Coude – appelée l’Olécrane – est basculée en arrière. En effet sur son extrémité s’accrochent les tendons des puissants muscles triceps du bras, qui permettent le mouvent d’extension de ce dernier. Le triceps déplace donc en arrière et vers le haut l’olécrane fracturé. Cette fracture est simple, transverse, légèrement oblique. Le Radius est intact, en place. Dans ce type de fracture, le choc traumatique génère souvent une luxation associée du coude, et notamment un arrachement important et grave des ligaments du coude : on parle alors de Fracture de Monteggia. Dans notre cas la fracture est plus simple, les dégâts ne semblent toucher que l’échancrure sigmoïdienne ulnaire.
Les fractures articulaires – ayant un trait de fracture dans la cavité de l’articulation – sont toujours de pronostic réservé. En effet la cicatrisation risque de générer une gêne et un phénomène arthrosique articulaire précoce. Elles nécessitent une bonne réduction des abouts fracturés pour limiter les complications.
Traitement Chirurgical Orthopédique :
L’intervention chirurgicale est indispensable dans ce type de fracture : La fracture est déplacée : le trait de fracture est « ouvert », le fragment proximal – l’olécrane est déplacé, tracté proximalement. Et la fracture est articulaire. Un traitement orthopédique par contention simple – plâtre ou résine – entrainerait une cicatrisation sans réduction des abouts osseux, avec un dysfonctionnement grave de l’articulation du coude et une boiterie persistante, importante et permanente.
Il est nécessaire d’intervenir chirurgicalement pour réduire correctement les abouts osseux, les remettre en contact, si possible en comprimant le trait de fracture pour minimiser le cal osseux cicatriciel.
Diverses possibilités s’offrent à nous : 1/ La pose d’une plaque osseuse et de vis : c’est un système solide et sûr mais sur un chat, le coude est de petite taille, les os fins, il faut utiliser du matériel adapté et onéreux, avec un risque d’échec et de fracture complémentaire par fragilisation des petits abouts osseux. 2/ l’utilisation de Broche ou Clou : Solution toujours intéressante chez les petits animaux, il en existe de différentes tailles, la pose est facile, et le coût très réduit par rapport aux plaques et vis.
Nous choisissons cette dernière technique, simple, éprouvée, et bon marché pour le propriétaire.
Nous abordons l’articulation du coude par voie latérale. Un clou de Steinmann de 1,2 mm est introduit par voie rétrograde dans le foyer de fracture, dans l’about proximal olécranien, puis repoussé dans la cavité médullaire de l’about distal de l’ulna sur la majorité de sa longueur. Cela permet de réduire la fracture et de mettre en compression les 2 abouts osseux.On prend des précautions pour ne pas trop léser le tendon du triceps brachial. La broche est courbée proximalement, pour éviter les lésions de la peau et permettre un retrait ultérieur de l’implant.
Pour augmenter la solidité, éviter que le foyer de fracture ne s’écarte, nous posons en complément un Fil de cerclage en 8, passant dans un orifice osseux percé dans l’about ulnaire distal puis s’accrochant sur l’extrémité courbée de notre broche, en passant sous le tendon du triceps. Cette technique de Haubanage met en compression le foyer de fracture et assure une contention supplémentaire, en limitant aussi partiellement les mouvements de rotation.


Les tissus mous et la peau sont suturés de façon classique.Pour compléter la contention, nous effectuons un pansement de Type Robert-Jones, légèrement compressif et assurant un bon maintien de la fracture stabilisée chirurgicalement.
La broche devra être retirée une fois la cicatrisation obtenue,au bout de 6 à 10 semaines elle peut générer une irritation sur le tendon du triceps et des lésions cutanées.
Ce cas clinique de fracture est intéressant à présenter : c’est une fracture peu courante du coude, la gestion est assez simple et la technique présentée utilisée permet d’obtenir une guérison satisfaisante avec un coût raisonnable pour le propriétaire.
Suite post-opératoire et Complications :
Après quelques semaines, la chatte revient pour un contrôle. La propriétaire signale qu’elle va bien, le pansement a été retiré, mais la restriction d’activité est difficile, comme souvent chez les chats. La chatte se déplace, grimpe, saute ….. elle semble tout de même présenter une boiterie depuis quelques jours. Un contrôle clinique et radiologique est effectué.

La zone de Fracture s’est écartée, la broche semble pliée, la fracture est instable et ne cicatrise pas correctement. La tension sur cette zone, sur l’olécrane, par la flexion des muscles brachiaux, exercent une forte traction, lors de flexion du coude. Ceci est aggravé par l’activité soutenue de cette jeune chatte. Nous décidons de reposer un pansement – attelle en attendant de ré-intervenir chirurgicalement.

Effectivement, quelques jours plus tard, la propriétaire signale que la chatte boîte fortement sans appui. Nouvelle radiographie : Rupture de l’implant. Sous la tension et la force de traction, la broche métallique, ainsi que le cerclage complémentaire qui devait s’opposer à la force de traction, ont cassé. Il faut reprendre la chirurgie.
DEUXIEME INTERVENTION CHIRURGICALE :

Nous utilisons exactement la même technique mais avec du matériel plus résistant. Nous augmentons le calibre de la broche et nous utilisons aussi un fil métallique de cerclage de diamètre plus important. En fin d’intervention, la réduction est satisfaisante.
Dr Martin DUBOIS – DMV – Clinique Montagne Verte Strasbourg – 2024

la broche utilisée étant de diamètre plus important, nous n’avons pas pu la faire pénétrer dans toute la cavité médullaire de l’os ulnaire. Mais cela semble suffisant, nous voulons maintenant une résistance accrue. Pour compléter, l’intervention, nous pososn une contention externe complémentaire, avec une immobilisation du coude et de l’avant bras sous résine.
Un suivi radiologique est mis en place, avec un cliché toutes les 3 semaines. Cette fois, le montage tient correctement, on voit la cicatrisation osseuse progresser, le trait de fracture radio-transparent disparait.



La cicatrisation osseuse étant satisfaisante, il faut maintenant retirer le matériel chirurgical, c’est préférable pour améliorer le confort de l’animal,la broche pouvant générer une douleur au coude.
On voit ici la broche de Kirshner et le cerclage métallique retiré.

Résultat final : La fracture est guérie. Le coude est tout de même « ankylosé » au bout de quelques mois, mais la ré-éducation va se faire progressivement avec la reprise d’activité.
Le pronostic est favorable, malgré les complications. Les fractures articulaires ( avec trait de fracture dans l’articulation ) sont toujours d’un pronostic réservé. La cicatrisation doit être optimale avec une bonne réduction de la fracture. Les évolutions arthrosiques ultérieures sont toujours possibles. Une intervention chirurgicale est souvent indispensable pour obtenir une guérison correcte sans trop de conséquences ultérieures.
Ce cas est intéressant : prise en charge d’une fracture articulaire – technique chirurgicale simple mais efficace – echec de la chirurgie avec rupture des implants, insuffisamment solide pour un jeune chat trop actif en période post opératoire – reprise chirurgicale avec la même technique – guérison obtenue au bout de 3 mois.
Les complications et chirurgie et en médecine font partie de notre activité quotidienne, il faut les gérer comme telles. Les propriétaires de nos patients doivent comprendre que cela fait partie des éventualités. Heureusement, dans la majorité des cas, un traitement complémentaire, une reprise chirurgicale, permettent d’obtenir une guérison.
Dr Martin DUBOIS DMV – Clinique Vétérinaire Montagne Verte Strasbourg