NAC : Oiseaux – Psittacidés : Gestion d’une Fracture osseuse :

Voici le cas d’un petit perroquet africain – Un Youyou du Sénégal – qui nous a été présenté en consultation à la Clinique de la Montagne Verte, au début de l’année 2023.

L’intérêt de ce cas est double :

1 / La gestion strictement médico-chirurgicale : sa présentation scientifique, les techniques chirurgicales orthopédiques et l’utilisation possible d’implants métalliques, même chez des individus de très petits formats.

2/ La difficulté et les risques de prise en charge des NAC – Nouveaux animaux de Compagnie – avec de nombreux écueils, des décès inattendus, de grosses déceptions et beaucoup de tristesse pour l’équipe soignante, en cas d’échec.

Le YOUYOU du Sénégal : photographie de l’animal opéré, 6 semaines après chirurgie. L’appui sur la patte droite est correcte, la guérison osseuse est obtenue.

Cet oiseau nous est présenté fin 2022 pour une boiterie sans appui du membre postérieur droit. Le chien de la famille a sauté sur l’oiseau et lui a mordu la patte. L’extrémité du membre est mobile.

Une fracture est suspectée, une radiographie la confirme. Un pansement temporaire est posé, mais une intervention chirurgicale orthopédique est indispensable pour obtenir une guérison correct. Elle est programmée quelques jours plus tard.

L’anesthésie des oiseaux est délicate. Ce sont des animaux très fragiles, sensibles au stress, et les accidents cardio-respiratoires ne sont pas rares. De plus, en cas de problème, les possibilités de réanimation classique ( respiration- ventilation assistée – massage cardiaque etc … ) sont limitées.

Pour diminuer les risques, une sédation injectable légère et une analgésie ( anti-douleur ) sécurisée sont mis en place, l’anesthésie proprement dite n’est effectuée qu’avec des agents volatils ( isoflurane ) par voie respiratoire. L’oiseau est d’abord placé dans une petite boîte en plexiglass où il respire le gaz anesthésique, et une fois endormi, l’anesthésie est entretenue avec un petit masque, et. un mélange d’isoflurane et d’oxygène.

Une chirurgie orthopédique réparatrice est effectuée. Vu la taille de l’animal, la meilleure option est de réaliser un Enclouage Centro-Médullaire simple, rétrograde avec une broche fine de Kirschner de diamètre 1 mm.

Les deux fragments osseux sont remis dans l’axe, et la broche métallique, passée dans la cavité centrale médullaire de l’os, permet de maintenir l’alignement. Pour limiter les mouvements de rotation, un pansement externe complémentaire est posé.

Le pansement est difficilement accepté par l’oiseau. Il le déchiquètera plusieurs fois. Une petite collerette sera utilisée. Mais finalement l’oiseau comprend et accepte son pansement : La douleur engendrée par la fracture a diminué, grâce à la stabilisation chirurgicale.

Nous attendons ensuite 6 semaines pour revoir le Youyou : Il est en pleine forme, il a retrouvé son activité. De nouvelles radiographies confirme la bonne cicatrisation de l’os : nous souhaitons retirer la broche métallique, en effet, à la longue, elle peut blesser le genou de l’oiseau.

Le Youyou est à nouveau anesthésié, au masque, isoflurane et oxygène. L’intervention se déroule bien, la broche est retirée.

Une dernière radiographie de contrôle est réalisée en fin d’intervention : et tout à coup ! on ne voit plus respirer l’oiseau … auscultation : absence de battement cardiaque ! Tentative de réanimation par petit massage cardiaque externe, passage d’un cathéter trachéal pour oxygénation, mouvements d’ailes pour circulation de l’air dans les sacs aériens : rien à faire, après 15 mn, nous abandonnons : Youyou est décédé.

Après tout ce que nous avons fait, la réalité de la vie – de la mort nous revient en pleine face.

Les vétérinaires ont l’habitude de dire – avec une peu de sarcasme et d’ironie  » Les NACs, ça Claque !  » c’est hélas parfois la réalité. Malgré tous les progrès de la médecine, de l’anesthésie, nous sommes parfois confrontés à des échecs, qui nous touchent et nous marquent au plus profond de nous même. Nous culpabilisons toujours, recherchons d’éventuelles erreurs, des explications … Mais le destin est ainsi : est-ce le hasard, la malchance ? Ces accidents nous apprennent à être toujours plus prudents … mais quel malheur de vivre ces instants, ce sont de vrais drames ! Nous pensons encore à ce Youyou, et à sa famille qui nous a fait confiance. Nous espérons qu’elle comprend que nous avons tout fait – au mieux, en notre âme et conscience – pour cet oiseau, et que sa rancune envers nous n’est pas trop forte.