VOLVULUS INTESTINAL et MESENTERIQUE

C’est une Urgence chirurgicale abdominale relativement rare, d’un diagnostic pas toujours aisé, mais qui doit être envisagée devant tout syndrome abdominal aigu.

Cas Clinique : Un Chien Berger Allemand nous est présenté un samedi en fin de matinée. Son état général s’est fortement dégradé durant la matinée. Depuis 48 heures, il présente de fortes diarrhées. Des vomissement sont ensuite apparus et se sont renouvelés intensément au cours des dernières heures. Ce chien, jeune adulte, est très affaibli et son état est inquiétant. Le jour qui a précédé le début des symptômes, sa propriétaire était avec son chien à une « barbecue » entre ami. Le chien a sûrement beaucoup mangé avec les convives, viandes et même os ont été ingérés.

L’examen clinique, outre l’état général altéré, nous révèle une déshydratation associée à une douleur abdominale à la palpation.

Un Diagnostic d’ « Abdomen aigu  » est posé, avec une origine à priori digestive.

L’examen de premier intention réalisé est une radiographie abdominale.

Radiographie abdomen profil Chien ILEUS INTESTINAL  - Déplacement de la portion Iléo-Caeco-colique, Volvulus mésentérique

A l’imagerie, nous constatons un iléus intestinal : la forte dilatation gazeuse des anses intestinales est un signe d’arrêt du transit intestinal. Le diagnostic différentiel de la cause de cet iléus est plus complexe. Il comprend entre autre une occlusion intestinale par corps étrangers, une péritonite, une pancréatite, une ischémie intestinale ( diminution de l’apport vasculaire ). Des causes plus générales doivent aussi être envisagée : divers troubles métaboliques complexes, septicémie, état de choc, suite de traumatisme abdominal … Néanmoins, les commémoratifs nous orientent plutôt vers une cause strictement digestive. Nous ne voyons aucun os visible sur la radiographie. Par contre, nous pouvons suspecter une occlusion par du papier ( emballage des viandes ? ) du plastique ( barquette de viande ? ), de la ficelle ? … Ce type de corps étranger ne se voyant pas à la radiographie. Sur notre image, nous voyons aussi une portion d’intestin dilatée remplie de matériel suspect. Nous pensons évidemment au Barbecue et nous émettons des hypothèses pour relier les faits entre eux.

Face au tableau clinique inquiétant, et aux possibilités diagnostiques évoquées, nous décidons d’envisager au plus vite une intervention chirurgicale, afin d’explorer et de traiter une occlusion intestinale aigüe, hypothèse la plus probable.

Une réanimation liquidienne et un traitement médical de l’état de choc est tout d’abord mis en route. En effet, il n’est pas question d’envisager une anesthésie sur un patient dans cet état. Il faut en priorité le stabiliser, restaurer sa pression artérielle, traiter les symptômes digestifs, démarrer un traitement antalgiques et anti-infectieux. Une fluidothérapie  » agressive » est indispensable, c’est le geste de première urgence. Cela est effectué sur une durée d’environ une heure. Lorsque que nous jugeons que l’état du chien est légèrement amélioré, nous déclenchons l’intervention chirurgicale en urgence : Anesthésie gazeuse raisonnée, oxygénothérapie, monitoring…

Une laparotomie exploratrice est effectuée : nous inspectons manuellement et visuellement la cavité abdominale. Nous ne découvrons pas de trace de corps étrangers, pouvant expliquer une véritable occlusion intestinale. Par contre, nous retrouvons nos portions d’anses intestinales fortement dilatées. Elles se situent dans la zone iléo-caeco-colique, soit dans la portion terminale de l’intestin grêle avec une atteinte associée du début du gros intestin. Le caecum ( appendice chez l’homme / opéré en cas d’appendicite ) est particulièrement touché. Nous somme surpris de constater qu’il est anormalement déplacé sur le flanc gauche, La rate a aussi changé de côté,elle est passée à droite, alors que l’estomac est resté en place, sans dilatation et sans torsion. Le reste de l’intestin grêle est de taille normale, mais d’une couleur anormale, relativement violacée, ce qui traduit une réelle hypoxie ( défaut d’oxygénation ). face à ces constatations, nous approfondissons nos investigations et contrôlons la vascularisation du tube digestif. Nous comprenons alors ce qu’il s’est passé : Le tronc mésentérique, artère principale de l’intestin – formant ensuite les artères mésentériques intestinales – est partiellement tordu sur lui-même. Nous sommes en présence d’un Volvulus mésentérique. Les fortes diarrhées précédentes, l’hyper-péristaltisme intestinale, déclenchés par l’indigestion « post-barbecue », ont entrainé un déplacement de certaines portions intestinales, notamment distales ( zone iléo-caeco-colique ). Ce phénomène a entrainé une torsion des artères mésentériques à leur base, générant une ischémie d’une grande portion de l’intestin grêle. Ceci explique parfaitement les symptômes digestifs aigüs. L’iléus est donc d’origine ischémique, il est responsable du déclenchement d’une péritonite, tout ceci explique le tableau clinique et l’état de choc qui s’en est suivi.

Planche Anatomique présentant l'intestin chez le chien, à gauche. Image d'artériographie du jéjunum à droite, montrant les ramifications de l'artère mésentérique le long de l'intestin grêle.

Heureusement, nous sommes intervenus à temps. Nous avons pu tout remettre en place et restaurer une vascularisation normale. L’intestin a rapidement repris une couleur normale. Nous avons effectué un lavage abdominale tiède et doux. Nous avons refermé la laparotomie et réveillé le chien. L’hospitalisation et les soins intensifs ont été poursuivi durant 24 heures. L’état du chien s’est rapidement amélioré, il a pu rentré chez lui avec un traitement médical. Il s’est remis à manger spontanément 12 heures après son retour.

Les volvulus mésentériques sont relativement rares, mais cette affection est particulièrement grave.Si l’animal est présenté trop tardivement, ou parfois si l’intervention chirurgicale est différée, à cause de symptômes peu évocateurs, la suspicion diagnostique est alors différée. Dans ces situations, l’ischémie ( = défaut voir absence de vascularisation – et donc d’oxygénation ) des anses intestinales peut devenir dramatique et fatale. En quelques heures, l’ensemble de l’intestin peut dégénérer et nécroser. Le chirurgien pourra retirer des portions nécrosées si possible mais si l’étendue des lésions irréversibles est trop importante, on ne pourra pas sauver le patient.

Pour conclure, le syndrome abdomen aigu est toujours une gageure, un défi diagnostic. Malgré les progrès de la médecine, en biologie, en imagerie, nous pouvons confirmer que l’expérience clinique prime. En cas de doute, une exploration chirurgicale, même sans certitude, s’impose dans ces cas. C’est toujours risqué d’anesthésier un patient en abdomen aigü. Il faut prendre les bonnes décisions, au bon moment. Si nous avions attendu plusieurs heures pour traiter ce cas médicalement, et suivre son évolution, nous aurions risqué une nécrose importante de l’intestin irréversible.

Nous avons réceptionné ce chien peu avant la fermeture de la clinique, un samedi en fin de matinée. Je remercie ma collaboratrice la Docteure Valérie Galassi, elle a réalisé les examens nécessaires qui nous ont permis de prendre la bonne décision :gérer cette urgence comme il se doit. Nous sommes fiers et heureux de l’avoir fait, mais nous n’avons fait que notre travail. Nous sommes là pour ça, et c’est un peu notre raison de vivre, sauver des vies. Je voulais vous partager ce moment que nous avons vécu récemment. En médecine, nous vivons ces beaux instants fréquemment, et parfois nous assistons au pire.

Ce cas me semblait particulièrement intéressant, car les volvulus intestinaux mésentériques sont rares et sûrement sous-diagnostiqués, ils peuvent être facilement fatal sans une prise en charge adéquate. Nous connaissons mieux le Volvulus gastrique, ou syndrome dilatation-torsion de l’estomac des chiens de grandes races, syndrome tout aussi grave et responsable du décès rapide du chien sans intervention médico-chirurgicale. Le Volvulus mésentérique est similaire mais d’un diagnostic parfois plus difficile, nous sommes encore heureux de ne pas être passé à côté de ce cas.